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Jean Castagnos et ses mémoires sur les parachutages du SOE au "camp de la pluie" en 1943, et ses anecdotes sur les combats sur Sos, Gueyze, Meylan et Arx

Voici maintenant la petite histoire avec les mémoires de Jean Castagnos, l'un des dernier résistant médaillé de la Légion d'Honneur, ayant participé à l'age de 15 ans, aux parachutages du réseau SOE Hilaire Wheelwright sur le canton de Gabarret.

Parachutages du SOE pour la résitance Landaise en 1943
Légion d'honneur de Jean Castagnos pour les parachutages de la résistance landaise
légion d'honneur de jean Castagnos résistant landais
Résistance dans les Landes 1939-1945
Discours de Jean Castagnos

15 ans en 1943 "au camp de la pluie"...

 

En 1943, j'étais donc âgé de 15 ans, né à Lubbon, le 22 janvier 1928, à ce Lubbon, où j'ai déjà 88 ans de bons et mauvais souvenirs, mais un parmi bien d'autres, me revient souvent en mémoire, et il me semble que je dois écrire, pour que, après moi, ces souvenirs soient encore vivants. C'était donc l'été 1943, et dans la maison du «Petit Baillargue», se cachaient trois jeunes - Paul, Marc et son frère René, lui à peine plus âgé que moi, 18 ans - Ils étaient de la région de Poitiers, couvreurs et plombiers de métier. C'est par l'intermédiaire de G. Cantal, qu'ils arrivèrent à la maison. C'était des réfractaires au STO (Service Travail Obligatoire) pour les allemands. Ils s'occupaient à faire du bois de stère avec les cimes des pins, qui avaient été coupés autour de la maison. Les pins que mon père résinait. Ces jeunes n'étaient pas habitués à ce genre de travail. Je les vois encore venir se désaltérer, au puits (au puis Landais: la poulége), fatigués, trempés de sueur, des ampoules dans les mains, de tenir la serpe - Ce bois je le ramenais devant la maison, sous les chênes Américains, avec mon père et «Polette» notre brave jument, pour en faire du charbon de bois. Les deux charbonniers étaient Espagnols.

 

Enfin, pour revenir à mon récit. C'était donc, peut-être le 15 Août 1943, vers 15 heures, par une journée très chaude, que deux jeunes de Arx, environ 25 ans, étaient venu trouver mon père. C'était Robert Sillac, qui faisait de l'apiculture avec son père et Portex, le gendre du boulanger de Arx, marié à Louisette. Ils étaient venus à vélo, seul moyen de locomotion à l'époque, et ils étaient allé discuter, sous le grand chêne devant la maison de Tivoli.

La conversation dura un bon moment, peut-être , une heure, ou plus. Dès qu'ils repartirent, mon père appela les trois jeunes réfractaires qui travaillaient dans les cimes, pas très loin et ils se remirent à discuter encore, un bon moment à l'ombre des chênes. J'avais bien remarqué que mon père avait discuté en secret avec Sillac et Portex, et ensuite avec Paul, Marc et René. Mais mon père était le Maire, j'avais l'habitude de le voir discuter souvent, mais pas comme cette fois là, cela m'avait intrigué, mais je ne disais rien, et le soir venu, il écoutait avec attention «Radio Londres». Nous avions l'électricité du fait que mon père était le Maire de la commune depuis 1937, mais pas dans toute la commune. Et c'était Maurice J Descat, un muletier, qui nous avait prêté un poste de radio, je vois encore ce poste TSF.

Mais ce soir là, le soir du 15 Août, Mon père l'écoutait avec une attention particulière, et je voyais bien, qu'il écoutait surtout les messages personnels. Je faisais semblant de rien voir, mais je remarquais tout. Il avait dû aller avertir les réfractaires mais ce dont je me rappelle bien, je le vois encore, vers 22 heures il avait roulé une couverture marron, qu'il avait mis autour du cou, comme une musette et il s'en alla. Je ne posais pas de questions autour de moi. Mon frère Michel, âgé de 13 ans avait bien remarqué lui aussi. Dans la nuit, qu'elle heure était-il? j'entends qu'il'était revenu, et il causait à voix basse, avec ma mère, dans la cuisine. Avec Michel, il se souvient encore, nous regardions par le trou de la serrure, mais nous ne comprenions rien. Puis le lendemain, ayant remarqué certainement que je me doutais de quelque chose, je savais bien que, mon père faisait des faux papiers, pour plusieurs réfractaires et que de tout cela, il fallait garder le silence.

 

Je ne me souviens pas, si c'est mon père ou ma mère, le lendemain matin, qui me fit la confidence, mais surtout il faut «garder le secret». Il a un avion anglais qui va venir parachuter des armes, sur les Landes de «la Sanguine». Et le soir venu, nous voilà de nouveau devant le poste de radio, pour écouter «Radio Londres» et ses messages personnels. Ils avaient donné le message «le boubou n'allaite pas seulement le bébé», l'oreille collée au poste pour mieux comprendre car «Radio Londres» était souvent brouillé. Puis tout d'un coup, quel choc, au milieu de ces nombreux messages, le voilà pour nous, j'en avais la chair de poule,dans tout le corps, entendre à «Radio Londres» «les Français parlent aux Français». Tout d'un coup le message que l'on attendait «impensable»: «le boubou n'allaite pas seulement le bébé», nous disons, «le boubou n'allaite pas seulement le bébé», du fait qu'il avait répété le message, cela voulait dire que l'avion venait pour la deuxième fois. Et là je connus le déroulement de la soirée précédente. Toute l'équipe attendait sur le terrain de «La Sanguine» (ce terrain est maintenant défriché et en culture) avec les chefs et plusieurs autres de la région de Condom dans le Gers. Vers 23 heures, pendant un grand monent, ils avaient entendu le ronflement d'un avion, qui tournait sans cesse, du côté de la Gueyze, sur les communaux d'Arx vers «Guitard», à 5 ou 6 kilomètres de là où il était attendu, sans jamais remonter assez vers l'ouest, pour voir les signaux de l'équipe à «La Sanguine» Attendre, attendre, puis vers 23 heures, un ronflement d'avion, passant a notre gauche, à l'ouest de la bergerie, il allait très loin, vers le sud, à peine si nous l'entendions, que de nouveaux ce ronflement de gros avion revient nous passer à droite, à l'est du terrain, et s'en alla loin vers le nord, peut-être pas si haut, on le voyait bien à ce moment là, et presque au dessus de nous, il alluma pendant une ou deux secondes,une lumière rouge ou verte (je ne me souviens pas très bien) je crois rouge - je vous dirais plus loin pourquoi il avait fait ce signal - il s'enfonça loin encore vers le sud, et il revint sur le terrain en arrivant de l'est à l'ouest. De là où nous étions, on voyait bien l'avion, il faisait clair de lune, il nous passait au sud. Et tout à coup, à 7 ou 800 mètres de nous, on ne pouvait ouvrir les yeux assez grands, on vit s'épanouir 7 ou 8 parachutes, qui descendaient en silence, et en quelque seconde, jusqu'à terre.

L'avion continua vers l'ouest, vers "Nautru". Il repassa plusieurs fois sur le terrain et toujours plus bas, comme il faisait de grands cercles, le ronflement disparut. Le comité de réception avait ordre d'éteindre toutes les lampes dés que l'avion avait parachuté. Robert Betuin, se souvient encore très bien, de ce soir là, il se demandait vraiment ce que cherchait cet avion, il habitait à la "Ménine" à Baudignan. Nous, nous rentrions, après avoir assisté, à un spectacle nocturne incroyable, à ce moment là, "les anglais étaient venus parachuter des armes". Ce n'était pas un rêve, mais une réalité. Le lendemain matin, très tôt, dès que mon père rentrait, nous apprenions le déroulement de l'opération. Ils avaient donc fais deux équipes "la Sanguine" et "Guitard".

L'avion connaissant le message, en bas, l'équipe doit faire en morse, avec un lampe blanche, la première lettre du deuxième mot, soit "B", puisque "le Boubou". Quand l'avion, après être passé plusieurs fois et avoir bien repéré le signal, c'est à ce moment là qu'il allume sa lumière rouge ou verte. A ce moment là, au lieu de continuer à faire le signal en morse, la lampe blanche reste allumée, elle se trouve sur le terrain, à côté de la lampe rouge, on pointe vers le vent - voir le croquis ci dessous. Direction du vent Blanche Rouge lOm 100 m Avion Ainsi l'avion à la direction et l'emplacement où il doit parachuter (sur la lampe blanche).

Ce soir là l'avion, n'ayant plus rien vue sur ce terrain, en agrandissant le cercle, il vit les lampes et signaux de l'autre équipe à "Guitard", qui elle ne savait pas, s'il avait parachuté, l'avion reconnut très vite les signaux en morse, il prit ses dispositions et fit là, un atterrissage forcé, dans les pins, sur un incendie devant "Guitard". C'était un quadrimoteur "Halifax", il s’écrasa et comme il avait à bord, les conteneurs pour un deuxième parachutage, dans la région du Gers à Vic Fezensac, des armes et des munitions furent récupérées et camouflées. L'équipage, sept Polonais, fut pris en charges par l'équipe, une partie de la nuit à Baudignan, au bistrot de Jérôme Boudé et ensuite dans la région de Fourcès et plus tard en région de Vic Fezensac, avant de pouvoir rejoindre l'Angleterre, par l'Espagne. Avant de quitter le terrain, ils firent sauter l'avion. Il y avait l'équipe de Condom, Prieur avec sa V8, Bordes, Corme,Bourdette ! La veille, lorsque l'avion n'avait pas trouvé le terrain, il avait déjà fait un parachutage à "Miramon-la-Tour" région de Fleurence-Lectoure dans le Gers.

Les Allemands furent allertés assez vite après la chute de cet avion. Avec Claude,nous avions voulu voir cet avion (que nous avions vu bien entier !) mais une sentinelle, nous avait fais retourner dans la région de Houmbarte à Arx Quelques jours plus tard, un convoi s’arrêta au restaurant, à Lubbon avec la carlingue et les débris de cet appareil. Avec mes frères, nous avions été voir, j'avais récupéré une paire de ciseaux. Pendant quelques temps ce fut le calme ,sans trop de recherches du coté dès allemands . Mon père, étant donc le Maire.

 

Arriva un jour un de ses administrés du bas Lubbon (côte nord) : Capres Marcelin de Nautin, II fumait un tabac, qui, a l'odeur, donna l'éveil a mon père. Il lui demanda, évidemment toujours en patois gascon: -"Mais ! Qu'est ce que tu fumes comme tabac?" -"Oh! "lui répondit Marcelin."Tu n'en as pas de celui-là toi." Puis il lui raconta: il avait trouvé un colis avec le parachute, en résinant les pins du coté de Trezeguet, c'était du ravitaillement (café,chocolat,tabac etc...). Mon père lui dit, toujours en patois: -"Surtout,malheureux ! n'en parles à personne !!! Tu pourrais avoir des ennuis avec les allemands!!" Et tout en resta là. Ce colis aurait du tomber avec les autres, sur le terrain de parachutage.

Ce qui explique ça ? C'est certainement, que l'équipage avait eu des difficultés à ouvrir les trappes pour larguer ce colis, et qu'il n'a pas pu les refermer et de ce fait, Il a été obligé de faire ce qu'il a fait: un atterrissage forcé. Les 7 containers récupérés ce soir là furent enterrés sur place. Des petites pelles, plusieurs à chaque parachutage étaient accrochées aux tubes, justement pour pouvoirs les enterrer sur place.

On a jamais su vers ou éraient partis ces 7 containers. Je crois : vers le groupe ARTHUR, avec la complicité de quelques gens de Arx, qui ont eu la carte de combattant volontaire de la Résistance pour avoir fait quelques transports d'armes.

Après le 6 Juin 44, à plusieurs, nous avions été sur place. Mais tout avait été enlevé. Ce mois d'août 43 avait été un tout premier épisode de la Résistance, des premiers parachutages (celui-ci malheureux). Mais tout en resta là. Quelques temps après, voulant manipuler une mitraillette, qu'il avait récupéré à la chute de l'avion, Portex, le gendre du boulanger d Arx, tua, accidentellement, sa femme Louisette. Sillac était certainement là aussi ce soir là. Après cet accident, Portex et Sillac quittèrent le village d'Arx, et, rejoignirent, en passant par l'Espagne, les troupes Françaises libres en Afrique du Nord. Portex, fut tué pendant la campagne d'Italie. A Tivoli me semble-t-il. Silac, lui, revint au pays. Il se maria à Cieuze, à coté de Mezin. Il mourut très vite, fin Juin 48 du tétanos. Il faisait de l'apiculture entre "Sos" , Réaup et Mezin.

 

J'avais été l'aider en Mars 48 avant de partir au régiment, ou, d'ailleurs, je ne fis que les 3 mois de classe. C'est d'ailleurs en rentrant de mon service militaire, que j'ai appris le décès de Robert Sillac. Nous avions transvasé, ensemble, de nombreux paniers (ou bournacs) en ruches, ce printemps 1948 en Mars ou Avril. Je n'avais fait que trois mois de classes, seulement, grace aux attestations du réseau Hilaire "Bukmaster" prouvant que j'étais dans la résistance. Après tous ces incidents, il n'y eu pas trop d'ennuis.

 

Le colonel Hilaire (ou Gaston, ou Tonton), avec ses agents dans la région de Condom, à Castelnaud sur l' Auvignon, et sa radio : Annette, parachutée dés le mois d'Août 1943 en Gironde à St Antoine de Queyret, continuèrent à prendre des contacts, toujours par filières, pour constituer de nouveaux comités de réception et homologuer d'autres terrains de parachutages.

 

C'est ainsi que Gabriel Cantal fut contacté par Hilaire, par l’intermédiaire du forgeron Darous de Fourées dans le Gers, pour organiser ces parachutages. Il trouva dans cette région du Gabardan, surtout coté foret landaise, des terrains impeccables. Cette région se prêtait à merveilles à ce genre d'opérations.

C'était des grandes Landes, incinérées chaque année au printemps, pour servir de pacages aux troupeaux de moutons II fut retenu trois secteurs Créon d'Armagnac, Herré et Lubbon Cantal, un homme très énergique, étant, à ce moment là entrepreneur de charpente et menuiserie, un grand ami de mon père. Pour avoir fait une grande partie de la guerre 14-18 ensemble. Gabriel Cantal, grand chasseur de palombes et de bécassines, Je le vois encore, avec son petit béret, sa tenue de chasse et sa voiture bleu charron, une Peugeot avec la bâche noire.

 

Pour Lubbon, il contacta évidemment mon père Jules Gabriel Castagnos, et, très vite, ils se rendirent sur place et décidèrent de retenir la Lande du Constantin, lieu de pacage des troupeaux de "Perrucq" et plus à l'Est, celle de Lavigne. Ce terrain se situait au Sud-Est de Lubbon entre Lapeyrade et Baudignan. A Herre, également, ils trouvérent un terrain favorable : sur les Landes de Braquet et du Marchand. Ainsi qu'à Créon d'Armagnac: sur les Landes de "Pellon". C'était pour Lubbon : le "terrain de la pluie" Pour Herre: "le terrain de la roulette". Et pour Créon : "le terrain de la vertue". Je vous dirais plus loin, pourquoi on les appelait ainsi. Il ne resta plus qu'à faire homologuer ces terrains, et constituer les équipes et les comités de réceptions pour chaque terrains. Étant souvent recruté, le berger qui parquait ses moutons dans la bergerie, devra cacher les armes. Soit: - Lubbon," terrain de la pluie" Cantiran Fernand. - Lapeyrade, pour le "Terrain de la pluie" à Lubbon, Vignolles Eugène. - Herre, la bergerie de Duron Braquet ou celle du Marchand. - Créon, chez les Fitton ou Bougue. L'équipe de Lubbon du "terrain de la pluie" : Marquet Jean -- Cantiran Fernand -- et mon père Castagnos Gabriel. Après le premier parachutage, Claude Marquet et moi nous allions participer (Nous avions 15 ans). Pour Lapeyrade: Eugène Vignolles et son fils Armel -Barbére René -- Didier Beugne -- Louis Bartelémi -René Faget --Castéra l'instit et plusieurs de Losse. Également de Gabarret :Cantal et son fils Albert -- Armand Barrère -- "Lou Régeur" Daubain -- Dupat et son fils Jeannot -- Catay Pierre Téchené et son gendre René Mougin.

Après ce premier parachutage, qui ressemblait plus à une foire de nuit qu'à une opération secrète, il y eut sélection et réduction des effectifs sur le terrain. Avec Claude, mon copain, par la suite, nous pouvions ,comme je vous le disais plus haut, participer à ces soirées, pour nous, merveilleuses, à 15 ans. Nombreux sont ceux qui n'ont pas eu ce privilège à ce moment là. Ces souvenirs ne me quitterons jamais ! Oh! non jamais. Nous y allions à 15 ans, évidemment, parce qu'il y avait notre père dans l'équipe. Les terrains étaient fin prêts pour la fin octobre 1943, ainsi que les comités de réception. Maintenant, à Hilaire le chef, et à Annette la radio, à eux de préparer, avec l'Angleterre, ces parachutages. Un soir, à la tombé de la nuit, arrive Didier Bergué (ce Didier, une figure de Lapeyrade dans tous les domaines) avec sa grosse moto noire. C'est lui, qui, chaque fois, nous annonçait la période et le message. Ce soir là il nous dit: -" il y a un parachutage prévu pour la semaine prochaine (période de pleine lune). Le message est le suivant : "La pluie ne coûte pas cher en Angleterre." J'aimais beaucoup ce Didier. Il passait tous les étés, avec le camion de la résinière de Lapeyrade, pour ramener les fûts de résine, depuis Arx et Baudignan, pour distiller celle-ci à la résinière de Lapeyrade.

Je me souviens quand il jouait au rugby, il était aillier, et pas facile de passer, il était costaud. Lorsqu'il passait, avec le camion, il nous saluait, mon frère Michel, et moi, à la "Front Populaire" le poing fermé et nous le lui rendions. Nous voici, de nouveau, donc à écouter des messages personnels de Radio Londres. Ces messages, qui ne voulaient rien dire à ceux qui n'étaient pas au courant, mais qui en disaient long à ceux qui les attendaient!!

Le soir du 10 Novembre 43, (c'était le soir des obsèques de Georges Marquet du Pic, écrasé par un pin, à gauche de la route, avant d'arriver au petit Ségat). Donc, ce soir là, quel choc, lorsque nous entendions ce message qui nous venait de là-bas, de l'autre coté de la Manche "Les Anglais" -"La pluie ne coûte pas cher en Angleterre" Des frissons nous parcouraient tout le corps. Ni Claude, ni moi, n'allions encore sur le terrain. Mon père allait avertir le reste de l'équipe. A 23h, il fallait être en place, sur le terrain, ce soir là, un clair de lune magnifique Avec ma mère nous étions allés en bordure de l'allée du Costantin, vers la borde de Garbes. Ce soir là, ça a été féerique, c'est un des plus beaux parachutages que j'ai vu, en spectateur. Toujours pareil, comme je vous disais, précédemment, l'avion passe plusieurs fois, et, après avoir bien compris le code, il prépare son opération.

C'était l'opération : 32RAF161 .Terrain n°36 vers 23h. L'avion arriva, comme de Baudignan, assez bas, et largua tout son contenu sur le point indiqué: soit 20 parachutes au total: 16T et 4P. Sous ce beau clair de lune, ces 20 parachutes de couleurs différentes, descendirent en quelques secondes. L'avion repartit vers le Nord, comme si rien ne c'était passé. Sur le terrain c'était le silence. Avec maman, nous sommes rentrés à la maison, après avoir assisté, toujours en spectateurs, à un deuxième parachutage, celui-là, magnifique aussi. On voyait très bien la couleur des parachutes.

Fusil Enfield
parachutages dans les Landes de fusils Enfield pour le réseau Hilaire Buckmaster
Container court pour les parachutages du SOE pour résistance landaise en 1943
Container court

Sur le terrain, les hommes devaient rechercher le nombre total de tubes et paquets indiqué sur chaque container soit: 16T et 4P. Des numéros de 15 cms sur autocollants blancs. Il fallait trouver la totalité du parachutage, plier grossièrement les parachutes, et ramener le tout dans la cachette provisoirement.

Les gros containers, qui s'ouvraient en deux par le milieu, contenaient les fusils anglais "Enfield", fusils mitrailleurs lourds, il fallait les porter à 4, des poignées prévues sur les cotés. Les autres se démontaient en 4 ou 5 parties. Dans ceux-là , il y avait les mitraillettes démontées en 3 parties, des pistolets de toutes sortes, des munitions, des grenades, beaucoup d'explosifs, des mines, des pansements et des produits pharmaceutiques. Et dans les paquets il y avait soit du ravitaillement, soit de l'habillement, ou du matériel radio.

Les chefs, ramenaient ces colis. Donc, le premier soir, tout regrouper et entasser dans une cachette provisoire, en principe, dans un épais fourré en lisière du bois. Ordre était donné de brûler sur place les parachutes, mais ici, dans notre forêt, c'était chose impossible. Ce soir là, ils avaient été mis de coté.

 

Lorsque mon père était revenu dans la nuit, je ne sais pas a quelle heure, il vint me réveiller pour que j'aille, avec lui, récupérer tous les parachutes. Croyez moi, j'ai été vite prêt ! Nous y allions donc, avec le tombereau et notre brave jument: Polette. Polette aussi a fait de la Résistance! Nous voilà partis avec cette brave jument. Là, je ressentais quelque chose en moi ! C'était ma toute première mission.

Je vois encore Polette, sous ce clair de lune, elle mettait les oreilles en avant pour mieux entendre. On aurait dit qu'elle comprenait qu'elle était en mission secrète, et qu'il fallait se méfier d'une embuscade. A chaque parachutage, c'était la même chose. Nous n'étions pas prudents, je le reconnais maintenant, car au lieu de cacher ces parachutes en pleine lande, pas très loin de la maison, le coup classique, nous les mettions sous le foin en haut dans la grange.

Si les allemands étaient venus fouiller à la maison, ils auraient regardé, en premier, sous le foin. Je vais vous dire tout de suite ce que nous faisions de ces parachutes. J'ai encore dans le nez l'odeur de ces parachutes. Cette odeur militaire. Nous nous retrouvions à la maison, avec l'équipe de Lubbon, assez tard dans la nuit, et nous nous mettions au travail. Nous les roulions comme des saucissons, d'un diamètre de 25 à 30 cms, sur une longueur de 0.80 cm à 1 m ou un peu plus. Vous ne devinerez jamais ou nous allions les cacher! Mon père, étant donc le maire, il savait qu'à la mairie de l'époque, il y avait un faux grenier, sans accès, le seul par le toit. Eh bien oui ! c'était par le toit que nous rentrions tous ces parachutes, bien à l'abri, en travers, sur les solives.

 

Nous avions environ 600 m entre la maison de Tivoli et la mairie, en passant par le carrefour, et, à faire, de nombreux voyages à vélo. Nous étions souvent des oiseaux de nuit, à ce moment là. Il fallait amener en premier, une échelle , enlever quelques tuiles, et rentrer toute la marchandise. J'étais souple à cette époque là. Il en à eu du monde qui est passé dans cette mairie de Lubbon. Tous les habitants de Lubbon Des miliciens, des collabos, des allemands peut-être, aussi. Mais personne ne pouvait se douter de cette cachette Tout cela, c'était la partie "voilure" du parachutage. Revenons, maintenant, sur le terrain. Le lendemain soir suivant le parachutage, avec le chef: Théodore (je vois encore cet homme pas très grand, gabardine beige comme "Colombo, ( il avait toujours un pistolet à barillet chromé à la poche.) nous nous rendions sur le terrain de la première cachette, pour faire l'inventaire du matériel. Depuis ce premier parachutage, nous y allions, avec Claude, participer conne des grands. Quelle fête pour nous deux, à quinze ans Donc, sur le terrain, nous ouvrions tous les tubes et les petits containers, les uns après les autres. Nous faisions l'inventaire de toutes les armes, munitions et explosifs. Théo notait. Pour cette opération, nous n'étions pas si nombreux. Cela se faisait tard dans l'après-midi, avant la nuit. Après avoir ouvert tous les containers, il fallait passer aux paquets. Des cubes de 80 cms de coté, en espèce de matelassage, on aurait dit du poil de cochon enrobé de caoutchou.

A l'intérieur: du matériel radio, des génératrices à pédales, des postes émetteurs et récepteurs. Dans certains, de l'habillement, je me souviens des tricots "kaki". Dans certains aussi, du ravitaillement, tout en boites métalliques, cigarettes, tabac, des cigarettes en paquets bleus (c'était du tabac gris ) tabac à pipe, et des conserves. Tout le contenu, le chef se le ramenait dans d'autres caches. Après avoir fait le travail, il nous donnait toujours quelque chose chocolat, paquets de cigarettes, avec de multiples. recommandations pour fumer, surtout les blondes. Nous rentrions après avoir fini le travail.

Le lendemain, il ne fallait pas manquer à nos occupations habituelles. Nous étions l'année de l'ombre. Pour la troisième nuit, c'était la plus dure, c'est là qu'il fallait tout enterrer. Cela se passait à la "Borde de Perucq", que les moutons de Fernand occupaient de temps en temps, et à celle de "Pouy haut" ou Yvette parquait ses moutons, une jeune et jolie bergère, fille d'Eugène Vignolles, c'était lui, qui, avec son attelage, faisait tous nos transports. Ce n'était pas tellement loin et, même au pas des vaches, il arrivait à faire tout ce qu'il fallait. Alors que maintenant, plus on va vite, plus le temps est court. Eugène avait donc un tombereau idéal, pas de claquement latéral des roues comme tous les autres. Signe d'ailleurs d'un bon graissage. Oh ! non pas avec la graisse "Castrol " mais tout simplement avec de " l'Armasis". C'était la graisse récupérée à froid dans la chaudière après avoir fait bouillir les boudins et récupérer dans une vieille terrine pour l'armée Eugéne avait bien graissé et, en plus il avait mis des rondelles en caoutchouc, pour éviter ce claquement latéral Nous voici donc à l'opération camouflage Il fallait enlever le fumier dans la bergerie, le mettre sur un coté, creuser environ 50 cms afin de bien ranger les containers les uns contre les autres, les recouvrir de nouveau, mettre, du fumier par dessus et les moutons faisaient le reste. Yvette Vignolles ne comprenait pas pourquoi, son père, lui disait toujours, en patois : "Fais passer les moutons, aller et venir.

Elle n'était pas au courant." C'était ,tout de même, long et pénible à faire, à la lueur de lampes "tempêtes" ou à carbure. Le matérie1, les armes et munitions ne-risquaient rien. Tout était bien graissé, soigneusement enveloppé et bien protégé de l'humidité. C'était la même chose à chaque parachutage. Il y a eu, aussi, un chargement de camion pour le Gers. Les containers étaient cachés sous un voyage de litière. C'était chose courante à cette époque là.

Je crois que c'était le jour du Carnaval, sous la neige. Moi, personnellement, je n'ai pu assister à tous les parachutages, car, à ce moment là, j'avais été opéré d'un flegmon sous la langue, à la clinique Bailli de Marmande. C'est le père Catay qui m'avait porté avec sa Juva 4 fourgonnette bleue marine.

Pour les parachutages suivants, nous avions un appareil émetteur et récepteur qui clignotait dés que l'avion captait les signaux, et de très loin. La "Rébéka" ça lui permettait de mieux se guider vers le terrain. C'était Mougin, le gendre de Pierre Justin Téchené, qui le portait sur le dos comme un sac Tyrolien car cet appareil était assez lourd. D'ailleurs, un soir, j vais vous raconter, s'il avait fallu déguerpir en vitesse, il commençait à s'inquiéter. C'était au retour d'un parachutage. Ce soir là, nous étions tous partis ensemble, à pied, depuis le petit "Perucq". Ce soir là, l'avion avait tourné plusieurs fois avant de parachuter, et, finalement, il largua son chargement assez haut, et assez loin des lampes, au Sud-Est de la "Borde de Perucq", alors que le premier était à l'Est vers les "Arecks". Il a plusieurs choses que je retiens de ce soir là. Pierre Téchéne s'était enfoncé, sans gravité, une tringle d'un container démontable, dans la bouche Il y avait, ce soir là, un container plus court que les autres, mais très lourd. C'était des munitions. Nous étions, tous les deux, avec Robert Barére, "Lou régent" (l'instituteur de Gabarret ) pour décrocher ce parachute. Je le vois encore devant moi, direction Nord-Est en bordure d'un fossé, La réflexion, je m'en rappellerais toujours : "Aco drole que souen las dragées en dé Hitler" ."Ca mon petit ce sont les dragées pour Hitler". Tout le monde parlait patois à ce moment-là.

Tous de retour, donc à pied, comme je vous disais plus haut. Nous étions en face de l'ancien chantier de jeunesse, vers, peut-être les 3 h du matin, un ronflement venant par la route de Lapeyrade, et des lueurs, des phares. Tout le monde pensait, de suite, que c'était les allemands, qui, peut-être, avaient repéré notre parachutage. C'est là que René Mougin commençait à s'inquiéter, avec la "Rébéka" sur le dos. Théodore, lui, devant moi, avait déjà son pistolet en mains. Ce convoi ralenti, tourne, et s'engage dans l'ancien chantier de jeunesse. Tous les phares s'éteignent. C'est là que Fernand et mon père, qui connaissant bien les lieux, S'avancèrent, dans un grand fossé, pour aller écouter de plus prés. Ils avaient cru comprendre que c'était un groupe de maquisards qui se déplaçait. Mais, jamais on a su vraiment: qui? et quoi? Nous, nous rentrions, un peu plus tranquilles. Au cours d'un autre parachutage, le Colonel Hilaire était venu sur le terrain avec son "S .Phone" pour communiquer avec un autre chef, là-haut, dans l'avion. Il continuait à parler, alors que nous n'entendions plus le ronflement de l'avion.

C'est ce soir là qu'Hector avait été parachuté et avait oublié son Gilet pare-balles et son casque sur le terrain C'est josenh de Lavigne, le berger, qui les retrouva, La aussi, quand ça arriva aux oreilles de mon père, il alla leur dire de faire disparaître tout ça, pour ne pas avoir d'ennuis avec les allemands. Marguerite, la mère de Gatien et Yvan, avait fait tout brûler, et caché les plaquettes du gilet dans le fumier de la bergerie.

 

En Février 1965 avec Yvan, nous avons retrouvé toutes ces plaquettes, en dégageant cette bergerie, que Marie-Thérèse - Lespare voulait restaurer. Il y avait eu plusieurs parachutages sur les autres terrains. A Créon, dans la nuit du 4 au 5 Janvier 1944, avait été parachuté 2 agents Colette et Claude. Colette, même pas 21 ans ! Quel courage ! Elle était l'agent de liaison de notre réseau, elle était hébergée chez les Castagnos, à Coussens, au Nord de Condom. Claude était Instructeur. Le 19 Mars 44, étaient parachutés à Herre : Odette et Lucien, pour un réseau, région de Dole dans le Jura. J'ai revu, plusieurs fois Odette, la seule de ces réseaux, au Portugal à "Pruya de Caveyros" à quelques kilomètres de chez nos amis Ramos à Mexiihoera Grande en Algarve au Sud du Portugal. Elle m'a raconté qu'ils avaient fait plusieurs parachutages. Ils se sont fait prendre. Elle fut déportée, elle avait 22 ans, Lucien, blessé au moment de l'arrestation, s'est suicidé. Odette était la "radio" et Lucien le chef du réseau "Skollar". II y avait, assez souvent, des séances d'instructions par l'agent Claude à Lapeyrade, chez les beaux-parents de René Barbére aux "Loumpié" route de Gabarret. Ni Claude, ni moi n'y avions participer. Il leur apprenait le maniement des armes parachutées, comment se servir de tous ces explosifs, et, également quelques prises de Judo pour se dégager d'un j. adversaire. Didier avait suivi un entraînement spécial, il avait l'arrière de la main, dure comme de la corne. Il devait d'ailleurs faire attention en jouant au rugby. Dans la région c'était assez calme, ou ça paraissait calme! II passait bien des camions des troupes allemandes, mais, pas d'accrochages avec eux. Nous, le réseau "Buckmaster" nous devions rester très discret. Certainement, que par certains collabos de la région, les allemands eurent, peut-être, quelques renseignements, et, petit à petit, ils filèrent leur toile. C'est ainsi que dans la nuit du 20 au 21 Avril 1944, Gabarret fut encerclé par tout un détachement d'allemands.

 

A l'aube du 21 Avril, nombreux hommes furent arrêtés et conduits au chantier de Jeunesse de Gabarret ou, sur cet emplacement, a été bâti le collège. Nombreux du réseau furent arrêtés, dont Cantal et son fils Albert. Ils sautèrent par une fenêtre, derrière la maison, mais à quelques mètres, dans un champs de blé, ils furent arrêtés.

Parachutages  du SOE pour la résistance Landaise en 1943-1944
Voici un documentaire instructif et trés bien réalisé par Jean-Marie Barrère sur les parachutages du SOE Wheelwright, pour le réseau Hilaire-Buckmaster sur le canton de Gabarret (40).

Rectificatif : Dans le documentaire de Jean Marie Barrère, certains membres du comité de réception de parachutage, ont indiqué qu'ils faisaient partie du service secret anglais SOE.

C'est une erreur, seul les agents parachutés étaient des agents secrets britaniques.

Le comité de réception étant placé sous les ordres du SOE.

Des arrestations avaient eu lieux dans toute la région. Lapeyrade, Losse, Bouriot, St Justin. Trois juifs furent fusillés immédiatement à Gabarret, et les hommes, eux, furent dirigés en camion vers Bordeaux, au Fort du ha. Certains de ces hommes prirent le risque de sauter de ces camions. Ce fut le cas de Louis Bartélémy et Jérôme Boudé. Ils m'avaient raconté comment ils avaient pu sauter. Mais grande inquiétude pour tous les membres du réseau et pour tout le monde, ceux qui étaient pris, et ceux qui restaient. Allait-on les questionner, les torturer pour avoir plus de renseignements, pour anéantir ce réseau ?

Depuis ce jour là, avec mon père, nous n'avons plus redormi à la maison, jusqu'à plus tard, après le débarquement. Nous avions construit une petite cabane en planches, bien cachée, du coté du " pré de Buillargué" c'est à dire au Sud-Est de la maison de "Tivoli" à 700 ou 800 m ou 1 km. Nous allions donc dormir toutes les nuits dans cette cabane. Lorsque mon père ne pouvait pas venir, soit réunion ou autre, j'allais dormir avec les réfractaires que je connaissais bien, soit au "Petit Ballargué", soit à la cabane de résinier, aux puits, de Jeanne Massens, ou à celle de Lucien Téchené. Nous partions donc tous, tous les soir, en laissant à la maison toute la famille : mes deux frères Michel 14 ans et Pierre 9 ans, maman, grand-mère Marie (veuve de guerre 14-18) et l'arrière grand-mère "Marionette". Mon père était donc âgé de 49 ans, à ce moment-là. Le matin, avant de rentrer, nous venions au bord de la foret, avec des jumelles, pour nous permettre de voir le signal, pour revenir. Maman nous mettait un torchon blanc à l'étendoir du linge, à un endroit bien précis. Dés lors, nous pouvions avancer. Les journées se passaient tout à fait normalement Suite à cette rafle, un parachutage à Herre, caché dans une bergerie, mais pas enfouit sous le fumier comme nous, tomba aux mains des allemands. On ne sait pas trop comment? j Après ce nouvel incident, nous recevions un ordre sortir, au plus vite, tout le matériel caché dans les bergeries et le camoufler ailleurs. C'était donc vers la fin Avril. Mais quelle nuit ! Nous avions travaillé la nuit entière. Je me souviens que lorsque nous rentrions le matin, le coucou chantait. Nous avions dégagé la bergerie de "Perrucq" il y avait Jean Marquet et son fils Claude, Fernand Cautiron, Maurice Duméou (qui, lui, rentrait d'Allemagne) mon père et moi. Toute la nuit, nous avions fait des va et vient de matériel que nous recamouflions dans la parcelle des Pins de Jeanne Massens "Le Piedot de Jeanne" dans un fourré de vieilles brandes, beaucoup plus hautes que nous, et un tapis de moussus. Il y avait eu la même opération à la bergerie d'Eugène Vignolles, à "Pouy-Haut", à Lapeyrade ainsi qu'à Créon et dans toutes les autres bergeries.

 

Les quelques membres de l'équipe qui avaient été pris, furent libérés petit à petit sans interrogatoire. Le chef Gabriel Cantal et son fils Albert furent déportés, Gabriel fut déporté vers Neuengamme (camp de concentration Allemand) et Albert vers la Tchécoslovaquie pour du travail ainsi qu'Armand, qui lui, est décédé là-bas. Nous restions toujours très prudents car nous ne savions pas, si , après avoir subi trop de tortures, ceux qui restaient aux mains des nazis,n'allaient pas livrer des indications sur notre réseau. Les séances des instructeurs se poursuivaient toujours très prudemment. Tout cela nous amène au mois de Juin 44. Didier, toujours lui, arrive un soir pour nous dire : "lorsque vous entendrez ce message, le lendemain, il faudra partir nettoyer toutes les armes. "Il me semble que le message était le suivant: "C'est une croix à double potence". Ce message nous avons dut l'entendre le soir du 4 Juin. Le lendemain matin, nous étions tous au "Piédot de Jeanne", tous les six : Jean, Claude, Fernand, Maurice, mon père et moi. Nous avions tout déballé, toutes les armes, et tout dégraissé (car elles étaient protégées par une épaisse couche de graisse). Nous nous servions de l'essence qui avait été parachutée. Dans ces grands Pins, les brandes, très vieilles, faisaient de grosses touffes avec le sol propre recouvert de mousse, parfait pour recevoir tout ce matériel. Un vrai arsenal. Il avait des mitraillettes, des revolvers de toutes sortes, automatiques, à barillet, plusieurs modéles, des mousquetons, le célébre "Enfield" des fusils mitrailleurs, des arbalettes anti-chars tirant des grosses balles de 20 cms de long, quelques bazookas et toutes les munitions pour ces armes. Il y avait également beaucoup d'explosifs de toutes sortes. Nous avions dormi sur place, au milieu de toutes ces armes. Je me souviens, que dans la nuit, il y avait eu une petite pluie fine.

 

Le matin du 6 Juin 44, nous étions devant la "Borde du Perrucq". Nous avions un petit poste, à piles avec un casque à écouteurs et une antenne en cuivre tressé qu'il fallait accrocher à une branche. On se doutait bien, qu'après avoir ordonné ces préparatifs, le débarquement ne saurait tardé ! Devant la "Borde du Perrucq" c'est moi qui écoutait avec le casque et j'entendis que le débarquement avait eu lieu en Normandie. Je posais le casque sur la boite métallique du poste et tout le monde, à genoux, autour, écoutait! C'était donc le jour "J" tant attendu. Ils avaient débarqué!!

La nouvelle fut vite répandue, et déjà, dans la journée, les réfractaires qui étaient dans la région, affluèrent, ainsi que de nombreux volontaires. Les chefs, qui étaient désignés auparavant, prirent le commandement, et en quelques jours, il y eut alors au" camp de la pluie" 150 à 200 volontaires venant de la région et du Gers, surtout de la région de Condom. Les armes furent distribuées et la défense du camp s'organisa. Je vois encore ces postes de fusils mitrailleurs protégés par des sacs de sable, sur les buttes, derrière l'ancien chantier de Jeunesse de Lubbon, à l'entrée du chemin pour le" Camp de la pluie ". La bergerie de Perrucq, construite en planches, était la réserve du matériel et du ravitaillement. C'était le PC.

Sous le grand chêne, devant cette bergerie, je vois encore le "cuisto" Pierre Bénech de Jurençon, un réfractaire, un copain qui faisait la cuisine avec ses 4 ou 5 grosses chaudières en Fonte, comme il y en avait, alors, dans chaque ferme. Sous ce chêne, qui a résisté, lui aussi, aux incendies de 1949.

Nous avons inauguré le 10 Septembre 1994 un monument édifié en la mémoire des parachutages du "Terrains de pluie "et du Bataillon de l'Armagnac. C'était le voeux de Raphael Jourdan Président du Bataillon d'Armagnac. Nous l'avons réalisé avec Albert Ponteins Agrona et moi même.

 

Il arriva des ordres pour préparer le "Terrain de la pluie" en terrain pour opération aéroportée. Opération "Caliphe" largages de parachutistes et atterrissages de planeurs. Les alliés piétinaient en Normandie, pendant quelques jours, et avaient essuyé de nombreuses pertes. Auraient-ils peut-être tenté un débarquement sur ces cotes Landaises? Il fallait abattre les quelques arbres qui se trouvaient au milieu de cette Lande, et préparer à chaque coin un grand foyer pour délimiter ce terrain la nuit, ainsi qu'un grand "T" avec des parachutes de couleur claire pour le jour. Didier avait amené le tracteur gazogène de la commune: de Vieille Soubiran pour tirer les planeurs sur le coté, afin de dégager le terrain. Cette opération "Caliphe " n'a pas eu lieu, car les alliés, par la suite, enfoncèrent les lignes allemandes en leur infligeant de sérieuses pertes en hommes et matériel. Cette 2éme compagnie de Bataillon d'Armagnac avait un détachement à Créon, sous les ordres de Dumartin. Elle eut ses trois premiers morts le 15 Juillet 44 au carrefour de "Gimbert."  Cette 2° compagnie du "Camp de la pluie" se déplaçait vers l'Est Elle prit part aux combats de Arx le 21 Juillet à coté du Bataillon "Arthur" FTP, et le 22 Juillet 44, avec son groupe anti-chars, commandé par Jacob, elle prit part aux combats de Gueyse, à coté du Bataillon Néracais à Massé. Elle eut à déplorer ses 2 morts ; Antoine Péota et Michel Roger tués sur les bords de la Gueyse. Nous étions allés à Sos, Pierre, mon père et moi le frère d'Antoine pour reconnaître son corps. Il fallait attendre le docteur Bache, maire de Sos.

Moi, j'étais rentré le midi, et le soir, au retour de Gabarret, • je vois encore son frère Pierre, nettoyer, à l'essence de • térébenthine, le portefeuille et les papiers de son frère, mort depuis quelques jours. C'était Jeannot, Clément et son père Gaston, d'Artes, qui avaient retrouvé le corps Ils était plusieurs ces réfractaires. C'était des bons copains. Ils venaient souvent, le soir, à la maison. Grand-mère, quand elle faisait le pain, leur en donnait un, tout frais. Il y avait Pierre et Antoine, Kéko et son accordéon, Marcel, Henry,Marcel le"Tarbais". Pierre, le frère d'Antoine avait enseigné la musique à mon frère Michel (qui, encore tous les jours, joue son refrain d'accordéon). Antoine, il était si gentil. Il avait 30 ans, quand il est parti pour toujours. Adieu Antoine! Le 20 et 21 Juillet 44 à Arx, le Maquis avait fait sauter le pont de la Gueyse à Saucats, et obligé un convoi à faire demi-tour. Robert Duprat m'a raconté comment il avait pu faire tomber un Pin sur la route. Le convoi allemand dut stopper.

 

C'est à ce moment là que Marta, le chef du Maquis espagnol, s'approchât dans les fougères et fit sauter une chenillette de tête avec une grenade plastique "Gramon" Le 20 et 21 Juillet 44, le bilan était lourd pour la commune d'Arx. Plusieurs maisons incendiées, tout le quartier de "Saucats". Le Maquis avait perdu huit combattants, et quatre morts dans la population civile.

Les allemands aussi avaient des victimes. A l'entrée du village, deux otages avaient été chargés sur un camion, et subirent tous les combats. Ils furent relachés le soir à Nérac, et rentrèrent à pied à Arx. C'était: Carpes et sa femme, de "Joli Bois", à coté de chez Larose.

Depuis Lubbon, nous entendions cette bagarre, ces détonnations. Je me souviens qu'en fin d'après-midi, j'avais averti Roger Capdeville et sa femme qui allaient à vélo à Arx.

La grand-mère était décédée. Ils arrivèrent à Arx, à travers bois, et donnèrent un coup de main pour maîtriser l'incendie à l'église. L'enterrement de la grand-mère se fit de nuit. Les allemands sont venus à Sos à plusieurs reprises.

Le 15 Juillet, ils avaient intercepté une camionnette du Bataillon Néracais, cantonné à Massé, à Gueyse. En pleine ville de Sos. Les jeunes maquisards furent pendus à un balcon, sur la place, sauf un blessé, qui avait été placé sur une auto-mitrailleuse en tête du convoi, pour indiquer le chemin aux allemands. Dés que le convoi avait emprunté la petite route, à la fontaine de "Bourbout", il fut prit dans une embuscade. Là, le prisonnier en profita pour se sauver vers la Gueyze. Les trois maquisards qui avaient tendu l'embuscade, furent massacrés par une autre chenillette qui arrivait par la gauche.

Le convoi se repliait et partit vers Mont-de-Marsan, et , c'est en passant à Gimber qu'ils tuèrent aussi les trois jeunes de la section de Créon du Bataillon d'Armagnac. Il y avait eu ce jour là 10 morts entre Sos et Gimbert. Le 22 Juillet 44, nouvelle attaque vers le maquis de Massé. Là, tout le monde quitta les maisons. Le combat fit rage. C'est là qu'Antoine Péota et Michel Roger furent tués. Ils avaient brûlé 11 fermes, anéanti le bétail. D'ailleurs, après le 6 Juin, plusieurs sympathisants, afin de les empêcher de nuire, avait été arrêtés par les FFI du Bataillon d'Armagnac, enfermés et gardés par les resistants à la bergerie de Lavigne, voisine de celle de Perucq. Comme tortures : ils avaient à supporter les piqûres de puces des troupeaux de moutons. Le Bataillon d'Armagnac, ensuite, se regroupait dans le Gers à Aveyron. Bergelle, et, de là, mieux encadré et bien armé, il participa .â plusieurs combats contre l'ennemi. Estang, Aire sur Adour, L'Isle Jourdain ou ils avaient fait de nombreux prisonniers allemands, toute une colonne. Par la suite, Toulouse, le Languedoc, La pointe de Grave, L'île d'Oléron et ils poursuivirent les boches jusqu'à leur défaite.

Le 21 Juin 44, Castelnaud sur l'Auvignon, à l'Est de Condom, fut la cible d'un convoi allemand. C'était le PC de notre chef Hilaire, protégé par des combattants français et espagnols, ceux-ci commandés par leur célébre "Camillo", toujours en moto, avec sa jambe de bois, et toujours avec son revolver. Il y eut de nombreux morts, ce 21 Juin, 21, français et espagnols. Tout le monde put se replier vers les bois tout proches. Hilaire, Annette, avec son poste émetteur, Colette et tous les combattants. Avant de quitter le village, la grande tour qui abritait pas mal d'armement, fut minée et sauta à l'arrivée des allemands. Les boches, à ce moment là, étaient harcelés de partout. Chaque année pour le 21 Juin, se déroule une cérémonie à Castelnaud sur l'Auvignon. Il y avait eu plusieurs accrochages à Houilles, avec les groupes Arthur et Marta. C'est alors que Houillés fut la cible de bombardements. A plusieurs reprises, et souvent.

Un avion "Junker"qui suivait la route nationale depuis Mont de Marsan, venait bombarder et mitrailler ce village. Ismael, le coiffeur m'avait dit que nombreux avaient sauvé leur vie grace à ces gros platanes qui bordaient la route, sur toute la traversée du village. Ils s'y abritaient en tournant autour de ces gros arbres. C'est à ce moment-là d'ailleurs que Jean Marquet et Claude avaient creusé un abri, un trou en terre, sous les taillis, à 50m devant leur maison. Des convois allemands passaient assez fréquemment sur cette route nationale Mon père avait averti trois jeunes du groupe Arthur le chef Odet Lescout, Gaby Laborde de Losse et Julian, mari de l'institutrice de Meylan, d'être prudents, de traverser la grande route, mais de ne pas la suivre Malgré ces recommandations, vers les 15 h de cet après-midi du 10 Août 44, ils venaient à vélo depuis Lapeyrade. 5km à peine, après avoir dépasser la maison du "petit Perucq",'ils virent déboucher au virage de Lavigne, à 300 m , plusieurs camions d'allemands. Ils sautèrent des vélos, et s'enfuirent dans la Lande. Aussitôt : la mitraille depuis les camions. Ils se mirent à leur poursuite, et se déplièrent le long de la route. Claude, lisait, bien tranquille ,sous le gros chêne, devant chez lui. Dés qu'il entendit la pétarade, il allât se réfugier dans son abri. • Là, on ne saura jamais si c'est Claude qui avait appelé Odet, ou si c'est Odet qui avait aperçu Claude se cacher dans cet abri. Les allemands tombèrent sur la cachette de Claude: 16 ans et Odet : 23 ans. Ils les amenèrent vers la route, et les criblèrent de balles. A l'endroit ou a été édifiée la stèle. Tout cela, sous les yeux de Gilbert et André Cautiran, qui avaient remarqué, qu'au milieu des tenues nazies, il y avait des tenues bleu marine. Donc : la milice.

Forts de leur exploit, ils reprirent la route vers Lapeyrade. Là, au magasin de Marcel Créon, épicerie-quincaillerie, ils arrêtèrent Thérèse, sa femme, qui fut emprisonnée au Fort du Ha à Bordeaux. Et le magasin fut incendié. 

 

Gabriel Cantal, et son fils, furent libérés plus tard, après la Libération. Durant sa captivité, le père Cantal avait enduré de nombreuses tortures. Mais si les allemands croyaient, qu'après ses souffrances, il leur dévoilerait quelques secrets...

C'était mal connaître Gabriel!  D'ailleurs, nous tous, du réseau "Bukmaster", nous lui devons une grande chose je crois: La Vie Lorsque, plus tard, il habitait à cote de chez moi, "Au Chalet", il venait souvent me retrouver sous le hangar. Je travaillais aux moissonneuses, ou à l'atelier, pour les ruches. Et c'est souvent qu'il me parlait de cette détention. Il mourut le 28 Avril 1974, le jour des fiançailles de ma fille Marie-Rose avec Bernard, à Capbreton, lors d'un congres des Déportés, dont il était le Président. Il termina son discours devant l'assistance, et fut foudroyé en s'asseyant. C'était, je crois, la mort qu'il s'était souhaité.

Résistance dans les Landes

                                                         Hommage à Sultan

 

Rendons aussi hommage aux bêtes, lorsqu'elles le méritent. Je vais vous parler d'un chien. Oui, d'un chien !

Au cours de ces heures sombres, de ce 22 Juillet 1944 à Gueyze, prés de Sos, en Lot et Garonne. Sultan était le chien de garde de la Famille Clément, qui habitait, et habite d'ailleurs toujours, la ferme d'Artes à 2 km à vol d'oiseau de la palombière du Domaine de Maysou-Haut.

 

Ce chien avait l'habitude de garder le troupeau de vaches, avec Mano, la fille Clément, soeur de notre ami : Jean.

Hors, en ce 22 Juillet 44, lorsqu'une colonne des troupes nazies arrivat pour attaquer de nouveau pour la deuxième fois, le Maquis de Massé (le Bataillon Néracais), tout le monde quitta les maisons pour aller se réfugier dans les bois.

Ce fut le cas, de la Famille Clément: Le pére et la mére: Gaston et Eglantine. Les deux enfants: Mano et Jeannot, et le grand-pére: Jeanty.

Le grand-père marchait difficilement, restant derriére, aidé de son petit fils : Jeannot. Le chien, allait et venait, vers ceux qui marchaient plus vite, et revenait vers le grand-père, comme pour lui dire: -" Vite papy ,fait un effort pour venir te cacher;" Le grand-père disait toujours, toujours en patois: -" Laissez-moi, laissez- moi. Je suis le plus vieux. Allez vous cacher."

Pour aller plus vite, Jeannot le prit sur son dos. Tout le monde, enfin, rejoignit la cachette. Un grand trou, à 500m vers le Sud de la maison. Rejoint également par quelques voisins.

Là, Sultan, un chien qui avait pour habitude d'aboyer dés qu'il entendait du bruit à la maison, se coucha sur Mano, avec qui il gardait le troupeau de vaches, tous les jours.

Il faut que je vous dise: Mano avait perdu son fiançé," Moulies", sauvagement massacré, prés de la fontaine de "Bourbout" avec deux autres camarades, lors de la première attaque du 15 Juillet 44. Mano, la pauvre, avait le coeur gros. Tout le monde était anxieux.

Sultan, ce chien, avait bien ressenti la peine, la peur, et l'inquiétude de tout le monde. Il n'ouvrit pas la gueule de tout l'après-midi, dans cette cachette. Pas le moindre aboiement. Au contraire, il dressait ses oreilles, pour avertir qu'une patrouille passait par là. Jean se souviendra toujours du bruit des pas sur les bruyères et les fougères. Tout prés de leur cachette. C'est ainsi que la Famille Clément, et les voisins, restèrent dans ce refuge, jusqu'à la fin des opérations.

Le soir, lorsqu'ils rentrèrent, ils trouvèrent la ferme pillée et brûlée. Le bétail anéanti. Ce jour là à Gueyze 11 fermes subirent le même sort. C'est avec plaisir que j'ai parlé de toi, Sultan. Tu l'a bien mérité, mon Brave, plus que certains hommes. C'est ça la guerre ! Et la gloire ? Crois-moi, tu as la reconnaissance de tes mâitres !

Camp de la pluie et les parachutages du SOE 1943 pour la résistance landaise
Jean Castagnos résistant dans les Landes

Je suis heureux d'avoir écrit ces quelques lignes sur cette période.

Car dans quelques temps, les acteurs dont je vous ai parlé, les quelques survivants encore, de ces pages d'Histoire, auront rejoint tous les anciens du Réseau, là-haut, enfin dans la paix !

 

                                                                    Adiou !

                                                                    

                                                                   Jan'o

Source :

 

Interview témoignage de Jean Castagnos d'avril 2016. A noter qu'en dehors de ce site internet, ce témoignage écrit ci dessus, est nterdit à la  reproduction et à la réutilisation sur quelques supports que ce soit. Il demeure la propriété intelectuelle de son auteur, qui réside à Lubbon dans les Landes.

Gabriel Castagnos résistance landaise en 1943 au camp de la pluie

Jules Gabriel Castagnos le père de Jean Castagnos, a fait la guerre de 1914-1918 et obtenu la croix du Combattant, la croix de guerre et la médaille de Verdun.

Devenu, maire de Lubbon (1937), il organisa la protection de nombreux réfractaires au S.T.O. qui venaient de la zone occupée ; il leur fournissait de faux papiers et des emplois dans les chantiers forestiers voisins. Dès la formation du réseau "Hilaire" (Buckmaster), le 1er décembre 1942, Gabriel Castagnos participa aux diverses activités de ce groupe : reconnaître des terrains de parachutage, recruter des comités de réception, préparer des caches pour le matériel et des abris sûrs pour les agents. Quatre terrains de parachutage furent homologués dans son secteur : 2 à Lubbon et 2 à Herré. Après la rafle de Gabarret des 21 et 22 avril 1944, où de nombreux militants du réseau Hilaire furent arrêtés, Gabriel Castagnos continua d'assumer ses responsabilités.

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